Une énorme envie de vous faire partager une belle découverte musicale qui commence à dater : Gil Scott-Heron. Je vous le fais découvrir de la même façon que moi, avec les trois premiers albums.Comme chroniqué précédemment, son autobiographie nous apprend qu’il est né à Chicago en 1949, qu’il a grandi dans le Tennessee, avant de rejoindre sa mère à New York pour faire son collège et lycée où il se découvre un goût pour la littérature américaine. C’est à l’Université noire de Lincoln en Pennsylvanie qu’il rencontre Brian Jackson et commence à mettre en musique et enregistrer ses poèmes.
En 1969 GHS publie son premier bouquin intitulé The Vulture, un polar qui dresse un portrait satirique de la société américaine. Et l’année suivante, celui qui se considère écrivain et poète avant tout, enregistre son premier album, puis encore deux albums les deux années suivantes.
Et c’est de ces trois albums dont je veux vous causer. Ils sont sortis tous les trois sur le label de jazz américain The Flying Dutch Records de Bob Thiele, producteur de jazz ayant notamment travaillé avec John Coltrane, Archie Shepp, Cahrles Mingus etc.
1970 : Small Talk at 125th & Lenox
Son tout premier album principalement en spoken word, Gil Scott-Heron déclame ses poèmes accompagné de congas et bongos.
L’album s’ouvre par The Revolution Will Not Be Televised, son hymne à plusieurs lectures, à la fois critique des médias, du comportement des gens, et de la nécessité de se changer soi-même avant d’essayer de changer les choses. Les titres suivants délivre avec beaucoup d’humour une critique de la société moderne américaine (et occidentale), du racisme (Evolution and Flashback), de l’indifférence des médias et du quotidien dans les ghettos (Whitey on the moon). Trois titres sont accompagnés d’un piano en plus des percussions : The Vulture, le poème qui porte le même titre que son roman phare, et Who’ll Pay Reparation For My Soul sur l’esclavage, la ségrégation et l’oppression.
Dans la lignée de The Last Poets (les grand-parents ultra-engagés du hip-hop), cet album lui fait mériter amplement son surnom de Godfather of Rap.
Whitey On The Moon
The Revolution Will Not Be Televised
1971 : Pieces of a Man
Son deuxième album tranche radicalement avec le premier d’un point de vue musical. Et peut-être un de mes albums préférés toutes catégories. Celui-ci est un album de soul-jazz realisé avec brio par d’excellents musiciens, et en collaboration avec Brian Jackson .
Il s’ouvre également avec le tube The Revolution Will Not Be Televised, toujours aussi politique mais cette fois avec électrique avec une grosse section rythmique allégée à flute traversière. Les morceaux alternent entre thèmes optimistes et noirs, sur un avenir plein d’espoir (Save the Children, I think I’ll Call It Morning), sur l’amour (When You Are Who You Are), on y trouve également un hommage à Billie Holiday et John Coltrane dont la musique permet de soulager les problèmes (Lady Day and John Coltrane). Mais le disque contient son lot de thèmes sombres, sur l’addiction aux drogues (Home is where the hatred is), le chômage (Pieces of a Man) l’oppression (The Prisonner) et la difficulté de se conformer à son époque (Or Down You Fall).
The Revolution Will Not Be Televised
Home Is Where The Hatred Is
1972 : Free Will
Troisème album de Gil Scott-Heron, à nouveau en collaboration avec Brian Jackson. Il comprend deux faces bien différentes, la première face dans la continuité de Pieces of a Man avec toujours ce soul-jazz bien construit et la face B dans la lignée du premier album avec des poèmes en spoken word accompagnés de percussions et de flûte traversière.
Les thèmes abordés sont variés et restent dans le ton des deux deux premiers opus. La face A s’ouvre sur Free Will, qui parle du choix et de la responsabilité personnelle. GHS parle aussi de la vie dans le ghetto avec un superbe blues (Get Out Of The Ghetto Blues), et du temps qui passe (Speed Kills).
La face B est plus revendicative, et politique. King Alfred Plan porte d’un plan fictionnel de la CIA tiré d’un roman pour parquer et exterminer la population noire en cas de d’insurrection ethnique majeure, il fait bien sûr écho au programme, bien réel, COINTELPRO de Hoover , bien réel lui, qui visait à discréditer et éliminer les mouvements politiques contestataires par tout les moyens.
Le deuxième titre en spoken word No Knock s’attaque à la politique du No Knock selon laquelle les flics pouvaient pénétrer chez les gens sans s’annoncer (ni toquer à la porte), méthode appliquée surtout à la population noire, la chanson mentionne Fred Hampton, militant Black Panther assassiné par la police chez lui dans son lit au coté de sa petite-amie, enceinte de huit mois.
Le disque continue en abordant la manque de solidarité et d’empathie dans les communautés (Billie Green Is Dead), et avec encore un hommage a John Coltrane (And Then He Wrote Meditations)
Free Will
No Knock
Bien sûr sa production musicale ne s’arrête pas là, le monsieur a sorti 17 albums studios et quelques lives entre 1970 et 2014, (hé oui un album posthume) et je vous conseille et pousse à continuer l’exploration de son univers musicale. On peut ainsi mentionner Winter in America (1974 Strata-East Records) avec son tube The Bottle, ou It’s Your World (1976 Arista Records), un album qui fleure bon le funk.
Bonne écoute !!