Quand je me balade, j’aime bien récupérer un petit bouquin en souvenir. Et à l’occasion d’une vadrouille à Barcelone, le choix s’est vite imposé à moi : Homage to Catalonia de son titre original par George Orwell. Un moment que je voulais en causer et ça tombe bien : 2016, c’est le 80ème anniversaire du début de la guerre civile espagnole.
Hommage à la Catalogne
Ce bouquin, c’est son récit de la guerre d’Espagne tel que il l’a vécu. Parti là-bas en tant que journaliste et il se fait engager dans les forces armées du POUM, le parti trotskiste, au sein du contingent de l’Independent Labour Party, (aile gauche du Labour britannique), parmi les 35 000 combattants des Brigades Internationales engagées dans la guerre civile espagnole.
Il témoigne et raconte surtout les événements qu’il a vécu, décrit la vie sur le front et à l’arrière. Le romantisme actuel de la guerre d’Espagne (qui berce souvent un certain milieu anarcho-syndicaliste) se trouve mis à nu par un George Orwell, pragmatique (les détails de la théorie politique ne l’intéressait pas, il venait juste pour tuer des fascistes), bercé d’illusions et abreuvé de déconvenues, il livre un récit qu’il veut honnête.
Surpris au début par l’existence de plusieurs mouvements en présence contre les fascistes, il déchante quand il découvre que les républicains sont divisés. Face aux fascistes menés par Franco, il trouve d’un côté les révolutionnaires qui veulent faire la guerre et aussi la révolution : le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) communiste anti-stalinien, qui sera interdit en 1937 et la CNT–FAI (Confédération National du Travail – Fédération Anarchiste Ibérique) qui regroupe la mouvance anarchiste, internationaliste et anti-étatique). De l’autre côté, le PSUC ( Parti Socialiste Unifié de Catalogne), résultant en 1936 de la fusion de quatre partis socialistes réformistes et communistes qui suivent la ligne de l’URSS, veut seulement faire la guerre, les stalinistes estimant selon lui que l’Europe n’était pas prête pour la réalisation d’une révolution en Espagne.
De l’élan révolutionnaire du début, miné par des enjeux géopolitiques, et des stratégies à grande échelle décidées par des puissances étrangères à une désillusion certaine, Orwell est secoué et balloté au fil des chapitres. Cet élan initial ne se battait pas contre ce coup d’état pour restaurer une république capitaliste ou une monarchie constitutionnelle mais voulait aller plus loin pour la mise en place d’une société égalitaire. Orwell se trouve confronté à un idéal révolutionnaire brimé et brisé, au profit d’une lutte pour l’institution d’une république capitaliste.
De retour du front, il est stationné un moment sur Barcelone où il vit les journée de Mai 1937, avec les tensions et émeutes entre communistes et anarchistes. De déception en désillusion, Orwell se concentre sur ses émotions et sa perception des événements. Loin du front, la vie à Barcelone a perdu de son comportement révolutionnaire.
Il repart au front, brièvement. Il est blessé et déclaré inapte au combat, il est démobilisé et rapatrié sur Barcelone. A son arrivée, il découvre que le POUM a été déclaré illégal par le gouvernement républicain, les trotskistes sont arrêtés, emprisonnés et certains fusillés de manière expéditive. Il doit se cacher et prend la décision de fuir et rentrer en Angleterre avec sa femme. Il entame alors la rédaction de ce bouquin pour servir de témoignage.
Les chapitres placés finalement placés par l’auteur en annexe (initialement 5 et 11) pour ne pas rompre le flot du récit et ne pas « ennuyer le lecteur » sont pour moi parmi les plus importants car ils remettent justement le contexte politique intérieure en place, avec les forces en présence, les stratégies, les alliances et les trahisons du coté des républicains et l’influence de la géopolitique européenne. Le deuxième chapitre illustre son dégoût des journalistes qui ne cherchent pas l’information mais ne font que répéter et propager la propagande, et il donne sa version des événements de mai 1937 afin d’en dissiper certains mythes. Plus d’info sur le bouquin et les différents chapitres ici.
« Au cas où je ne l’ai pas dit plutôt dans le livre, faites attention à ma partialité, mes erreurs factuelles et la distorsion inévitable causée car n’ayant vu qu’un seul coté des événements. Et faites attention d’exactement la même chose quand vous lisez n’importe quel autre livre sur cette période de la guerre civile espagnole »
Ce qui rejoint le slogan de Jello Biafra « Don’t hate the media, become the media! »
Les infos utiles (édition anglaise entre parenthèse)
Titre : Hommage à la Catalogne (Homage to Catalonia)
Date de parution : 1955 (25 Avril 1938) |ISBN :France : 978-2264030382 (978-0141393025)
Auteur : George Orwell
Traductrice : Yvonne Davet
Editeur : Gallimard (Penguin Classics)