Né en 1955, il revendique une formation de philosophe (professeur auxiliaire de philosophie 1975-76) et de théologien à l’université où il aurait subi les professeurs libertaires et marxistes. Jean-Luc Schaffhauser n’est pas membre du Front National mais porte les couleurs du FN à Strasbourg pour les élections municipales de 2014 en remplacement d’André Kornmann, écarté pour ses positions trop extrêmes. En position de force, il a vraisemblablement négocié à la fois la tête de liste aux municipales et sa présence sur la liste des européennes.
Des centres aux extrêmes droites
En 1978, il a travaillé avec Bernard Stasi (1930-2011) député puis ministre CDS (Cercle des Démocrates Sociaux). Rappelons-nous que Stasi a écrit entre autre en 1984 « L’immigration, une chance pour la France » et qu’il a eu de violentes polémiques avec Jean-Marie Le Pen.
Il n’est pas novice en politique puisque Jean-Luc Schaffhauser a été attaché parlementaire du sénateur CDS (composante de l’ancienne UDF), Pierre Schielé, jusqu’en 1983 puis de l’ancien maire de Strasbourg, président du Conseil Régional d’Alsace et sénateur, Marcel Rudloff, jusqu’en 1993. Il se définit comme un « centriste conservateur social » et est brièvement passé par l’UMP.
Il crée le MRP (Mouvement pour le Renouveau Politique) en 2007 afin de se présenter aux élections législatives à la 1ère circonscription de Strasbourg. Patrick Beaufrère – 3ème sur la liste FN de 2014 – est déjà à ses côtés et revendique à l’époque 100 adhérents dans ce parti.
Parallèlement à sa vie politicienne, il exerce de nombreuses hautes fonctions qui lui permettent de renforcer ses réseaux. Dès 1980, il travaille à la Région sur les questions de politique énergétique et d’environnement (Chef du Service Régional de l’Énergie en Alsace) puis fonde (1986) et dirige l’IRCOD (Institut Régional de Coopération et de Développement), bras armé de la Région pour la coopération Nord-Sud (coopération décentralisée). Il participe à l’activité du CEDRE (Centre Européen de Développement Régional crée en 1985) présidé par Rudloff qui, sous couvert de coopération, alimente la lutte anti-communiste.
Fondateur et président de l’Académie Européenne, une organisation internationale anti-communiste de lobbying, proche entre autre du Vatican et bien entendu de l’Opus Dei, quasi-espion avant la chute du mur de Berlin (il déclare avoir fait des « missions en ex-URSS afin de rencontrer les opposants au bolchevisme »), consultant international notamment pour Dassault (de 1998 à 2007), il voyage beaucoup. C’est un homme de réseaux. Il a présidé le Forum Démocratique Européen qu’il crée en 1990 et qui rassembla les forums d’opposition au régime communiste des pays de l’Est.
En 1992, il s’occupe de la mystérieuse Agence de Coopération Décentralisée Internationale. L’idée est de créer des structures à la coloration plus technique que politique mais contrôlées par l’Opus Dei et dont l’objectif est d’influencer les décideurs européens.
D’après le site du Front National, en 1995, il « quitte la Fonction Publique pour être le représentant pour l’Europe, d’Eli Levin, homme d’affaires qui avait succédé à Eisenberg, le meilleur spécialiste de la Chine. » Eli Levin était agent du Mossad, multi milliardaire et marchand d’armes… De 2009 à 2012, il est Délégué Général du fonds de dotations CAPEC (Crises Analyses Propositions Expérimentations et Communications). Créé en août 2009, le CAPEC se veut « un acteur nouveau dans le paysage de la démocratie française et européenne » qui prend position contre l’idéologie libertarienne, jugée comme « une des principales causes de l’actuelle crise systémique au niveau social, économique et politique ». L’activité du CAPEC semble aujourd’hui couvrir une revue trimestrielle politico-économique et des cycles de conférences géo-politiques au classieux établissement François Coppée à Paris. Ambassadeurs de pays d’Afrique, généraux, historiens de garde et avocats de renom s’y côtoient sous l’égide de la revue Perspectives Libres et du très droitier et chrétien Cercle Aristote.
Auteur d’ouvrages et de rapports sur la crise financière et d’articles sur Atlantico. Notamment « Et si le mariage pour tous ne faisait que refléter les mêmes valeurs qui ont mené au chômage pour tous » (si ça vous intéresse, cherchez le, on va pas vous mettre un lien vers un site comme celui-là). Le ton est donné. Mais il a également écrit un livre d’entretien en 1993 « Une âme pour l’Europe » avec Bernard Ibal, un syndicaliste chrétien. Le livre est une justification du Forum Démocratique Européen. Il est évidement édité aux éditions L’Âge d’Homme. Le choix de la maison d’édition n’est pas anodin, voilà ce qu’écrit REFLEXes en 2004 (source) :
C’est à l’origine une petite maison d’édition suisse, fondée en 1966 par un dissident yougoslave ayant fui le régime communiste : Vladimir Dimitrijevic. Pendant 30 ans, l’Âge d’Homme a fait un énorme travail de diffusion de la littérature slave contemporaine, souvent méconnue du fait des dictatures communistes d’Europe de l’Est. Puis l’Âge d’Homme dérive lentement à partir du début des années 1990 vers un soutien sans faille au nationalisme grand-serbe à la faveur de la guerre civile yougoslave et avec l’objectif officiel de « rétablir la vérité ». Longtemps proche des catholiques traditionalistes en France, Dimitrijevic se rapproche alors de tous ceux qui affichent leur soutien aux Serbes ou leur opposition à l’Islam. Cette orientation se confirme lors du conflit au Kosovo et des bombardements massifs menés par l’OTAN en Serbie. De fait, l’Âge d’Homme est à présent la principale maison d’édition de la Nouvelle Droite française, en particulier de sa branche « greciste » [15] (Alain de Benoist, Arnaud Guyot-Jeannin, Jean-Claude Albert-Weil, Eric Werner) mais également du courant païen emmené par le Belge Christopher Gerard, proche de la ND dans ses différentes versions (GRECE, Terre & Peuple, Synergies européennes). Gerard est d’ailleurs à présent directeur de collection au sein de l’Âge d’Homme. L’antenne française de l’éditeur attire enfin autour d’elle des personnages fantasques comme Jean Parvulesco, ancien dissident roumain, longtemps proche du GRECE après avoir côtoyé l’OAS dans les années 1960 et les milieux nationalistes-révolutionnaires dans les années 1970, ou encore Patrick Gofman, ancien de l’OCI passé au nationalisme. Par ailleurs la librairie parisienne est devenue un diffuseur zélé d’autres productions comme les livres de Guillaume Faye parus à l’Æncre (voir portrait ci-dessous). L’Âge d’Homme contribue ainsi à banaliser un petit milieu qui profite de son caractère prestigieux pour toucher un public qui sinon lui échapperait. Le GRECE a en effet ses propres éditions, les éditions du Labyrinthe, mais leur aire d’influence ne dépasse guère celle du GRECE, c’est-à-dire de moins en moins de monde, et la technique du coucou est donc bien plus rentable pour peu que les auteurs aient un minimum de talent (comme c’est d’ailleurs le cas).
En novembre 2011, le Mouvement pour un Renouveau Politique créé en 2006 est liquidé pour donner naissance à l’association Forum Démocratique inscrite au tribunal de Strasbourg (folio 187 volume 84) et dont l’objet est de soutenir la candidature de ses membres sous son propre label ou sous une étiquette proche. Le bureau est au 18 avenue de la Marseillaise à Strasbourg. Le Forum Démocratique est un espace de diffusion des idées d’Emmanuel Todd et Jacques Sapir.
Schaffhauser, le chercheur d’or
Autant dire qu’avec une telle recrue, le FN alsacien vient de franchir un cap, lui qui n’a jamais été en capacité de trouver un leader. Pour autant, Schauffhauser n’a rien d’un leader « naturel » pour le FN mais il est symptomatique de la construction du RBM (Rassemblement Bleu Marine). Il se revendique anti-communiste, anti-libéral, sioniste, humaniste, chrétien, centriste…Beaucoup pour un seul homme !
Et voilà que notre quasi espion, amoureux des pays froids défraye l’actualité ces derniers jours : grâce à ses contacts en Russie poutinienne, il vient d’obtenir un prêt de 9 millions d’euros auprès de la Czech-Russian Bank de Moscou au profit du FN endetté. Au passage, il avoue encaisser 140.000€ de commission (450.000€ d’après Le Canard Enchainé du 26/11/2014). C’est notamment grâce à ses relations au sein de L’Académie Européenne – qu’il anime à Strasbourg – que l’opération s’est concrétisée. Mais avant de toucher le pactole en roubles, le FN avait tenté d’autres financements notamment auprès… des Emirats Arabes Unis. Cocasse non? Le FN qui cherche à emprunter des thunes à des musulmans tout en dénonçant le financement (et la présence) de mosquées françaises par des pays arabes… dont Abu Dhabi. Ainsi, grâce à Schaffhauser, on reste en famille, entre blancs nationalistes. Le FN a eu chaud!