Petit bouquin (74 pages à la lecture facile) en quatre parties sur l’action directe, ces deux mots qui font fantasmer plus d’un-e par leur romantisme, et qui aussi font peur à ceux et celles qui confondent cet outil d’action politique avec la bande armée qui sévit dans les années 80. Bref, un rappel salutaire et instructif.
De l’action directe
La préface de Nicolas Baillargeon, prof à l’université à Montréal, retrace le parcours d’une insoumise Voltairine de Cleyre, née en 1866 dans le Michigan. Elle découvre l’anarchisme lors de l’exécution des cinq martyrs de Chicago le 11 novembre 1887 (suite aux évènements de l’émeute de Haymarket). De ses études dans un couvent, il lui restera une éthique humaniste ainsi qu’une aversion pour la religion, et elle deviendra libre penseur. Voltairine gagne sa vie comme enseignante et conférencière. En 1902, un élève dérangé tire sur elle, mais elle refuse de porter plainte contre lui et dénonce sa démence causée par les circonstances de sa vie. Elle décède dix ans plus tard, le 20 juin 1912 d’une méningite.
Baillargeon présente également brièvement l’action directe, acte politique (mais politique au sens de fonctionnement de la société) qui s’oppose à l’action indirecte politique (de politicien) qui est de déléguer la discussion, la décision à un-e représentant-e via une élection, un vote. Il évoque la grande variété de modalités de l’action directe qui va des moyens non-violent (grèves, siting, occupations, etc.) à des actions plus violentes (sabotage, vandalisme,voire la lutte armée). Il précise l’universalité de l’action directe, mis en action chaque fois que les gens prennent les choses en main.
Le deuxième chapitre, le plus important par la taille, est la retranscription de la conférence de Voltairine de Cleyre donnée à Chicago le 21 janvier 1912, au cours de laquelle elle présente et clarifie le concept d’action directe, d’énonçant la confusion (déjà à l’époque) avec la violence : « Les vrais non-violents ne peuvent croire qu’à l’action directe, car la base de l’action politique est la coercition … » (p32). Elle détaille la nécessité de contrôler sa vie et de ne pas se remettre à autrui, en s’appuyant sur des exemples d’actions directes non-violentes et violentes, souvent des actes de résistance, comme des luttes contre la discrimination, l’abolition de l’esclavage, le droit de vote des femmes. Et souligne enfin le besoin de convergence des luttes, de voir plus loin à long terme, que les revendications à effet immédiat, ainsi que le besoin de s’organiser. Voltairine de Cleyre critique également l’action indirecte comme source de soumission et de résignation car elle « détruit le sens de l’initiative, étouffe l’esprit de révolte et entretient la passivité » (p55)
La troisième partie est un court article de Voltairine de Cleyre paru en 1908, qui insiste sur la non-violence de l’anarchisme et la nécessité d’éduquer les esprits, que « Le courage est la meilleure politique […] Le désespoir qui entraîne la violence et la répression politique ».
La dernière partie est un article sur la créativité contestataire, paru dans Regards#60, en 2009 et cosigné par Emmanuelle Cosse (si, si notre ministre du logement), Marion Rousset et Samuel Lehoux, l’article fait un tour rapide de certaines mobilisations et des différentes idées qui en ont découlé afin de réinventer / renouveler / adapter les luttes via l’action directe.
Les infos utiles
Titre : De l’action directe
Date de parution : Octobre 2010 |ISBN : 978-2916952222
Auteur : Voltairine de Cleyre, préface de Normand Baillargeon
Editeur : Le passager clandestin – http://lepassagerclandestin.fr/