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LA ZONE DE GRATUITé ?
ENCORE MOINS CHER !
(présentation de la zone de gratuité des 400 couverts, septembre 2002)

Ce matin encore, en ouvrant votre placard, vous tombez nez à nez avec cette vieille chemise à rayures vertes qu’on vous avait offerte pour vos 16 ans.
Vous la dévisagez un instant. Bon, elle n’est pas si moche, c’est vrai.
Mais il faut vous rendre à l’évidence :
Vous ne la mettez plus.
Elle ne vous sert plus.

Jeter ?
Mouais.
Ce serait le plus simple, non ?
Mais ce matin, votre poubelle déborde et vous explique en vomissant une peau de banane que la terre croule déjà sous vos déchets et ceux des autres.
Que quand ils ne polluent pas, ils coûtent des tonnes de moyens et d’énergies à être détruits, broyés, incinérés, transformés en nourriture pour bestiaux.
Qu’il faudrait songer un jour à cesser de gaspiller.

Thésauriser ?
Une autre solution simple :
Plier votre chemise en quatre et la ranger au fond de votre tiroir en bas à droite, là où vous stockez vos babioles poussiéreuses.
L’oublier bien confortablement là-bas, en vous laissant la possibilité de la ressortir si d’aventure l’occasion se présente.
Mais cette fois, c’est votre placard qui s’insurge, et proteste en grinçant qu’il est déjà lourd d’objets stagnants.
Pourquoi garder des biens dont on ne se sert pas, quand d’autres personnes, elles, en auraient grand besoin et s’en serviraient à ravir ?
« Proprio ! » vous lance le placard en brandissant le poing.
« Donne les objets que tu n’utilises pas ! Propriété d’usage »

Donner ?
Vous vous empressez de sonner chez le voisin, la chemise à la main. Mais il ne la veut pas, elle ne lui plaît pas.
La voisine d’en face n’est pas là.
Le voisin du dessous ?
Il a déjà trop de chemises à rayures vertes, il en cherche à losanges mauves.
Compliqué de donner un objet.
Souvent la personne à qui on le donne n’est pas celle qui en a le plus besoin, souvent elle le range dans son tiroir du bas à droite.
A bas les tiroirs du bas à droite !

Zone de gratuité ?
C’est alors que subitement et sans crier gare, vos yeux s’arrêtent sur ce papier froissé dans votre cage d’escalier. On y vante les mérites d’une zone de gratuité, où l’on peut déposer ou prendre tout ce que l’on veut, sans aucun échange d’argent.
Vous y amenez votre chemise et l’accrochez le cœur tranquille.
Vous savez maintenant que son avenir est assuré : la personne qui la prendra en fera peut-être l’abat-jour artisanal dont elle a toujours rêvé.

Donner et prendre ?
Mais là, dans la zone de gratuité : surprise.
Plusieurs objets qui vous faisaient cruellement défaut sont là, à votre disposition – un manteau, un jeu d’échecs, un roman, une paire de chaussures qui vous sied à merveille.
Rien ne vous empêche de les prendre.
« Mais comment ? » dites-vous.
« Je n’ai apporté qu’une chemise à rayures vertes et je peux emporter tout ça en échange ? »
Tout-à-fait.
Il n’y a pas d’échange : on ne compte pas ce que vous amenez, ni ce que vous prenez ; Vous pouvez amener des biens et ne rien prendre, vous pouvez en prendre sans rien amener. Dans la zone de gratuité il n’y a ni fric ni troc.
Il n’y a que la gratuité.

Mais… gratuité ?
Oui, oui, oui ! Ca peut paraître étrange. Vous étiez habitué-e à voir des prix partout, dans les magasins, dans les bars, les gares, à la radio, dans la rue sur les écriteaux, vous étiez cerné-e de prix. Quand on vous parlait de gratuité, ce n’était souvent que de la soi-disant gratuité, destinée à vous appâter, à vous faire payer un prix tôt ou tard ; il vous semblait qu’un nombre croissant de biens et de services prenaient un prix…
Le monde devient une marchandise ! qu’on vous faisait remarquer.

Gratuité !
Mais justement, les gratuitaires, les zoneuses de gratuité et les gratuitozonodaïdales sont marchandophobes. Elles et ils cherchent à créer des flux de biens qui échappent au marché et à l’argent ; elles et ils veulent vous faire perdre l’habitude d’ouvrir votre porte-monnaie, de lécher les vitrines, de chiffrer vos besoins.
Jeter – acheter : c’est le mécanisme absurde, aberrant, ravageur, qui fait vivre le capitalisme.
Découvrez les joies du circuit adverse : donner – récupérer.

Créer votre zone de gratuité ?
Trouvez un espace vacant esseulé, un angle mort, sur votre palier, dans votre MJC ou votre bibliothèque de quartier, sur votre lieu de travail si vous avez le malheur d’en avoir un.
Délimitez-le avec de la craie ou du scotch orange : le voilà à l’abri des rapports marchands.
Garnissez-le des premiers objets gratuits dont vous voulez vous débarrasser.
Couronnez-le d’un joli panneau qui annonce l’esprit et le fonctionnement de l’espace : peinture sur carton, facile et joli comme tout.
Laissez mijoter.
Regardez fleurir.
Multiplions les espaces et les moments de gratuité !

Révolution ?
Mmmmh… oui. La zone de gratuité n’est pas un palliatif aux sauvageries du système. Elle n’est pas une nouvelle œuvre de sauvagerie chrétienne, chargée des habituels paternalismes et réformismes. Nous ne revendiquons pas un quota de zones de gratuité par département, nous ne demandons rien aux autorités et aux représentant-e-s.
Nous nous auto-organisons pour répondre à nos besoins, pour créer des espaces d’épanouissement, pour déserter collectivement le système marchand. La zone de gratuité est un espace d’expérimentation, de recherche, de construction, pour des mentalités, pour des comportements, des us et des coutumes progressivement et radicalement différents. Notre cible, ce sont les valeurs et les cultures du capitalisme, système destructeur et utopique, qui a prouvé et qui prouve chaque jour son incapacité à satisfaire les besoins de l’humanité.
Révolution ?
Révolution.

la zone de gratuité :

au Chapitonom, 4 traverse des 400 couverts, 38000 Grenoble.
04 76 86 44 12, 04 76 86 07 37
chapitonom@altern.org

et à la Loupiote :
4 rue du Pont-Carpin
38100 Grenoble
04.76.01.85.24
Ouvert le mercredi de 16h à 20h
loupiote@squat.net